Texte de 4e de couverture du roman Victor Plastre, Rebondir de Frédéric Péran
Depuis que Natacha est partie, Victor Plastre sèche ses larmes avec un mouchoir en lin de la marque Simonot-Godard spécialement brodé pour l’occasion. Il est hanté par son passé qui l’empêche de prendre son destin en main. Rebondir ? Il y pense. Après tout, la vie est un immense terrain de jeu, entre Montmartre, la Goutte d’Or et les troquets. Aussi Victor Plastre aime les femmes et parfois, elles le lui rendent bien.
Un beau jour de mars 2017, Victor Plastre croise à nouveau le chemin de Natacha. Qui sont-ils réellement maintenant, l’un en face de l’autre ?
Frédéric Péran nous ouvre ici les pages d’un premier roman où le lecteur va découvrir la psychologie tourmentée d’un homme du XXIe siècle.
Biographie de l’auteur
Pour Frédéric Péran, l’écriture a toujours été une passion et un vieux rêve. Après une Maîtrise d’administration économique et sociale, il a été embauché au siège des magasins TATI, à Barbès et pendant 10 ans, il y a vécu une aventure professionnelle riche. Parallèlement à son activité professionnelle, c’est en 2016 que Frédéric Péran s’est lancé dans un projet ambitieux : la construction d’un roman.
Extrait du roman Victor Plastre, Rebondir de Frédéric Péran
Mardi 7 mars 2017, 18 heures.
Je descends les escaliers à toute allure et je me précipite dans le wagon bondé. Le plus souvent nonchalant, je n’ai pour autant jamais réussi à accepter l’idée de laisser passer un métro.
Je lève la tête et je me retrouve nez à nez avec Natacha. On se dévisage sans rien se dire puis, sûrement dans le seul but de rompre le silence, elle me présente la fille comprimée à côté d’elle : « Une stagiaire, elle travaille avec moi. » Et c’est de nouveau le silence. Nos regards se croisent, se détournent, puis se recroisent timidement.
Combien d’années ont passé depuis ce jour où elle m’a abandonné brutalement sans même me laisser une dernière chance ?
Quelques stations plus loin, la stagiaire descend. Mécaniquement, j’attrape mon téléphone. Natacha le pointe du doigt : « Tu es toujours aussi accro à ce que je vois. » En regardant vers le sol, je lui avoue que c’est juste parce que je suis mal à l’aise, et que si la loi était moins contraignante, j’aurais plutôt allumé une cigarette. Elle sourit.
Les stations défilent. Sur un ton faussement dégagé, je lui demande si elle veut boire un verre. Elle refuse. Juste avant d’arriver à Barbès, je le lui redemande.
« Je t’ai déjà répondu non ! »
Je sors de la rame, la gorge nouée. Je grimpe lentement l’escalier, quand j’entends une petite voix derrière moi : « Après tout, puisqu’on est là ! »
Natacha m’a suivi.
« Je veux bien boire un verre, mais en terrasse alors. »
On marche jusqu’à l’avenue Trudaine. On voit, au loin, deux types qui se lèvent, on se précipite pour prendre leur place. Elle a envie d’un verre de vin blanc, « un vin blanc sec. » Le serveur lui conseille un petit-chablis. « C’est parfait pour l’apéro. »
Je prends la même chose. Elle me tend une cigarette, j’accepte volontiers. « Combien de fois as-tu essayé d’arrêter de fumer depuis toutes ces années ? », me demande-t-elle. Je reconnais bien là son ironie.
Sans la quitter des yeux, je me mets à lui parler de l’abattement dans lequel m’avait plongé notre rupture. On m’a souvent répété qu’il ne fallait pas trop exprimer ses peines, que les filles n’aimaient pas les garçons qui se plaignent, mais moi je m’en fous. Je n’y crois pas à tout ça.
J’ose : « Pourquoi n’as-tu jamais répondu à mes messages à l’époque ?
— J’ai fait comme j’ai pu. »
Après un court silence, elle répète, le regard fixe : « J’ai fait comme j’ai pu. »
Et rapidement, ça fait moins d’un quart d’heure qu’on est assis, elle me dit qu’elle doit y aller, qu’elle a des choses à faire.
Elle n’est pas très bavarde.
« Déjà ? Mais… »
Elle se lève.
« On peut peut-être se revoir un de ces jours ?
— Je ne sais pas, Victor.
— Ça serait pas mal…
— Je ne sais pas, parce que ça fait bizarre de te voir. »
Elle va vers le serveur, paye l’addition et revient vers moi. Debout, les deux mains posées sur le dossier de sa chaise, elle reste en suspens pendant quelques secondes, immobile et silencieuse. Finalement, elle s’approche, me fait deux bises en chuchotant « ça fait vraiment bizarre de te voir » et elle file. Je reste planté là, je la regarde s’éloigner.
Six ans, oui, c’est ça, six ans qu’elle m’a quitté, comme ça, du jour au lendemain, sans plus jamais donner de nouvelles. Elle considérait que je manquais de sang-froid depuis que j’étais amoureux d’elle. Elle ne trouvait pas ça très rassurant.
C’était juste après un week-end un peu raté en baie de Somme. Je me souviens. On était assis sur la plage du Crotoy et, tout en vidant goulûment un bocal de salicornes au vinaigre, on regardait la mer se retirer. Elle m’avait dit, ce jour-là : « Je suis comme la mer en Picardie, tu sais. Quand je me retire, je vais loin, très loin. » La semaine suivante, elle est partie.