La Compagnie Littéraire : Sandrine Turquier, c’est un réel plaisir de vous retrouver à la Compagnie Littéraire pour la présentation de deux nouveaux recueils réunis en un seul ouvrage intitulé Éclats d’âme suivi de Stimme der Stille, Les voix du silence, et vous remercions pour la confiance que vous portez à notre maison d’édition. Deux années déjà nous ramènent à la sortie de Passions des corps, douleur de l’âme et cette fois-ci, nous vous retrouvons pour la parution de nouveaux poèmes. Comment s’inscrivent ces deux nouveaux recueils par rapport à votre précédente parution ?
Sandrine Turquier : C’est un plaisir partagé de présenter après la publication de Passions des corps, douleur de l’âme, mes deux nouveaux recueils dans ma maison d’édition de cœur qui a su reconnaître mon écriture et le monde de création dans lequel je vis. Ces deux nouveaux recueils de poèmes s’inscrivent dans un contexte assez particulier, puisque Éclats d’âme est un recueil qui fut édité en 1997 et qu’il est mon premier opuscule. Peu de personnes connaissent son chant et je voulais le faire (re)découvrir à un plus vaste public. Pour moi, il n’a pris aucune ride, il est avant tout mon corps d’écriture, ma chair, celui qui annonce d’emblée ce que je suis et tout ce que je peux ressentir avec mon ultra-sensibilité et mon rapport au monde si particulier. Quant à Stimme der Stille, Les voix du silence, il se définit et s’inscrit dans un registre mystique, intime, une mise à nu de ma vie intérieure, une catharsis pour dire combien l’âme et le silence des douleurs qu’elle enferme portent en elles des voix qui disent, s’entrechoquent, luttent, mais aussi témoignent d’une tentative de délivrance du monstre maternel. Le moment était venu pour moi, à l’âge de la maturité, de délivrer ce message poétique et humain dans une écriture particulière comme un murmure émanant d’un au-delà, une dimension supérieure de l’âme. Ces deux recueils sont l’alpha, l’ouverture, le prolongement de mon écriture poétique inexorablement liés à mon corps de poétesse, de femme, de petite fille, jusqu’à la fin de mes jours.
La Compagnie Littéraire : Dans votre préface, vous partagez un regard sur l’humanité et votre expérience par rapport à celle-ci. La souffrance, notamment liée au rejet et à la différence fait-elle parties entre autres de la source de votre inspiration ? L’écriture n’est-elle pas ce masque qui tombe pour laisser entrevoir ce que vous êtes intimement ?
Sandrine Turquier : Depuis ma prime enfance, l’indifférence et le rejet ont fait partie de ma vie. J’étais une enfant silencieuse, observatrice, une éponge d’émotions plongée dans les livres pour supporter le rejet et l’indifférence de ma mère dans un contexte familial oppressant et anxiogène dans lequel ma souffrance a fait son nid. J’étais différente des autres par ma manière d’être rêveuse, timide, réfugiée dans les livres et mon rapport aux autres, l’injustice que je ne supportais pas, la condescendance à laquelle j’étais régulièrement confrontée lors de ma scolarité. J’étais celle à qui on volait ses crayons de couleur et celle qu’on n’invitait pas dans les anniversaires. Je fuyais la superficialité et je recherchais déjà les « belles personnes ». Oui effectivement la souffrance fait partie (entre autres) de la source de mon inspiration, je dirais même que la souffrance est le lit de mon inspiration et de la dimension profonde du don d’écriture qui m’a été offert. L’écriture me sauve de la chute, de la mort. Elle est vitale pour moi. Ma vie est souffrance, mais j’aime la vie parce que j’habite en poésie. Oui, c’est tout à fait cela, l’écriture est ce masque qui tombe pour livrer l’intime de soi.
La Compagnie Littéraire : « Nous ne sommes pas des êtres FANTOMATIQUES. Nous sommes des ÊTRES à part entière, munis d’un cœur, d’une âme, de sens. » Par fantôme, voulez-vous faire référence à la déshumanisation et à l’absence de sensations ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette introduction ?
Sandrine Turquier : Oui, ce que je veux exprimer dans l’introduction d’Éclats d’âme lorsque j’emploie le mot fantôme c’est effectivement la déshumanisation et l’absence de sensations et d’émotions réelles entre les êtres. La sensation que l’on existe pas dans une société ou seuls l’apparence, les codes sociaux, la dominance de l’argent, les caractéristiques physiques sont les prévalences. Je suis un fantôme, car mes valeurs morales et spirituelles ainsi que mes affects sont incompatibles avec la société corrompue par un système qui ne prône que le culte de l’argent, de l’apparence avec un déni total ou une ignorance par trop de détachements aux vraies valeurs, et non pas ce que je suis, un être de sens porté par la profondeur des choses, désintéressée des phénomènes de masse. Et c’est aussi pour cela que je cite un extrait d’un poème de Charles Baudelaire L’Idéal qui résume parfaitement ma vision du monde et mon état d’esprit.
La Compagnie Littéraire : La souffrance fait partie de vous, mais ne demeure-t-elle pas finalement essentielle dans votre processus créatif, voire ne demeure-t-elle pas la dernière frontière, face à ces « fantômes » par la passion qu’elle suscite ?
Sandrine Turquier : Oui exactement, je suis un être de résilience et la souffrance qui domine en moi est la partie la plus vivante, la plus passionnelle de mon processus de création, elle est un rempart face à ces fantômes et c’est la raison pour laquelle je parviens toujours à garder le sourire et à transmettre de l’énergie positive autour de moi.
La Compagnie Littéraire : Vos lecteurs auront le plaisir de retrouver avec Éclats d’âme une poésie dans la lignée de L’Andante et Hors saison, avec cette mélancolie inextricable flirtant la sensualité des corps qui caractérisent si bien votre plume. Comment définiriez-vous votre poésie ?
Sandrine Turquier : Ma poésie est la poésie du murmure, du souffle, de l’instant et du corps parlant dans le cœur même de son intime.
La Compagnie Littéraire : Stimme der Stille, Les voix du silence cependant s’éloigne de la tournure plus classique d’autres recueils, comme a pu l’être Traumas dans votre précédente parution. La langue allemande vient côtoyer le Français, et sept poèmes viennent porter sept voix rédemptrices. Pourquoi ce choix de l’Allemand, et quel message souhaitez-vous apporter ?
Sandrine Turquier : La langue de Goethe dans l’écriture de Stimme der Stille, Les voix du silence s’est véritablement imposée à moi, je ressentais la nécessité d’exprimer des mots forts comme une explosion pour porter ces sept voix de l’âme. À la différence de la langue française, la langue allemande (que je découvre aussi dans son apprentissage récent) exprime une radicalité sur laquelle vous ne pouvez pas revenir, une gravité, une musicalité gutturale qui épousait à merveille ce que je voulais livrer dans ce recueil. Le message que je souhaite apporter est celui de l’écoute de soi et de l’importance d’entendre ses voix intérieures qui peuvent aider à combattre les démons et souffrances. Entrer en soi dans les strates les plus enfouies de l’âme est le plus douloureux, mais aussi le plus beau des chemins pour dire « je t’aime la vie », parce que je suis vivante malgré tout ! J’aimerais que Stimme der Stille, Les voix du silence soit un guide spirituel pour les lecteurs ! (en toute humilité …)
La Compagnie Littéraire : Dans notre précédente entrevue, nous découvrions votre goût pour la musique classique et Jean-Sébastien Bach notamment. Y a‑t-il là un lien avec votre affinité pour la langue allemande ? Quel regard portez-vous sur le romantisme allemand ou encore avec la culture gothique ?
Sandrine Turquier : Oui, il y a un lien effectivement. L’art de la composition, la spiritualité, la grandeur des émotions, l’esthétisme, la force me fascine chez Jean ‑Sébastien Bach tout comme les splendides poèmes de Hölderlin, Bettina Von Arnim et Johann Ludwig Tieck qui me parlent par la beauté de leurs vers qui devient instantanément un chant qui se grave au cœur et à l’âme. Le regard que je porte sur le romantisme allemand est un regard très intime, comme une nostalgie de n’avoir pu connaître ses maîtres de poésie, car le romantisme allemand épouse totalement ma conception de la poésie au regard de la force des sentiments exaltés, de l’âme douloureuse et de cette quête spirituelle toujours plus haute dans l’architecture poétique. La culture gothique s’inspire du romantisme allemand, mais avec plus de violence dans la revendication des sentiments passionnels, elle mérite d’être reconnue pour sa mystique et l’écorchure vive qui la caractérise.
La Compagnie Littéraire : En conclusion de cette entrevue, que diriez-vous aux lecteurs pour les inviter à vous découvrir, notamment ceux peu habitués à lire de la poésie ?
Sandrine Turquier : Je dirais à mes lecteurs :
« Ma poésie est celle de vos cœurs et de vos âmes, elle est une source que vous traversez chaque jour sans vous en rendre compte. Elle est la vie. Découvrez ma poésie comme on découvre l’orée d’un chemin inconnu qui vous parle, mais que vous n’osez pénétrer. Ma poésie c’est le royaume aux mille et un visages, aux mille et une senteurs, aux mille et une vies pour vous offrir la mienne dans chaque rime. Ma poésie je vous l’offre comme un baume sur vos jours de pluies et de lumières. »
La Compagnie Littéraire : Merci beaucoup, Sandrine Turquier, d’avoir pris la peine de répondre à cette entrevue de présentation de votre tout dernier recueil, à paraître début juillet à la Compagnie Littéraire. Nous rappelons aux lecteurs que nous aurons le plaisir de vous recevoir en l’honneur de la soirée « Livres ouverts », se déroulant dans nos locaux le 24 septembre 2020, accompagné de toute l’équipe de la Compagnie Littéraire et de nombreux autres auteurs et invités où vous dédicacerez vos deux recueils de poèmes.
Sandrine Turquier : Merci à vous pour la chaleur et le rayon de soleil que vous mettez dans nos échanges et votre regard si bienveillant sur vos enfants, nous les poètes et écrivains. C’est avec une immense joie que je dédicacerai mes deux recueils de poèmes lors de ma présence à la soirée « Livres ouverts » à mes lecteurs que j’ai si hâte de rencontrer.
Commander Éclats d’âme, suivi de Stimme der Stille